SOCIÉTÉ DE TRANSPORT DE MONTRÉAL

Les pannes de métro disséquées comme jamais

L’endroit où il ne fallait pas être en mars 2012, vers 16 h : sur la ligne verte du métro de Montréal. Tel est le portrait type de la panne, dressé à partir de données exclusives obtenues par La Presse.

En analysant finement 5555 arrêts de service de plus de 5 minutes entre 2008 et 2013, on a pu faire quelques découvertes inédites, que les méthodes habituelles d’étalonnage ne permettent pas de faire. C’est à 5 h du matin que les pannes sont les plus longues, de 20,6 minutes en moyenne. 

C’est cependant à l’heure de pointe qu’elles sont les plus fréquentes : une panne sur cinq survient entre 16 h et 18 h. Les mois les plus problématiques : mars et octobre. Le plus gros « problème » de la STM : sa propre clientèle, responsable d’un arrêt de service sur deux.

La ligne bleue est plus touchée par les pannes de matériel roulant que les autres, mais c’est sur la ligne verte que les « méfaits volontaires » sont surreprésentés. Et, non, le nombre de pannes n’est pas en hausse constante année après année, même si les Montréalais sont encore échaudés par les nombreuses pannes en 2012 et début 2013.

« DANGEREUX », MAIS INSTRUCTIF

À la STM, on a accepté de se prêter au jeu et de commenter ces découvertes, même si La Presse a utilisé une méthode peu orthodoxe pour les obtenir. Les grandes sociétés de transport utilisent surtout le nombre d’arrêts par million de kilomètres pour se comparer. La moyenne mondiale est de 25 arrêts par million de kilomètres. Montréal fait très bonne figure, avec 11,3 arrêts.

Quant aux statistiques obtenues par La Presse, ce sont des chiffres absolus, sans lien avec le nombre de kilomètres parcourus. « Ça montre l’impact réel sur nos clients, ça permet de comprendre ce qui se passe, mais c’est dangereux, prévient Dominique Lemay, directeur exécutif à la STM. Si je vous dis qu’une voiture a zéro panne par année et qu’une autre en a trois, vous allez me demander, avec justesse : combien de kilomètres ont-elles parcourus ? »

La règle est généralement simple : plus il y a d’usagers et de trains, plus les pannes sont nombreuses. À cet égard, les quatre premiers mois de l’année 2014 « sont les meilleurs depuis que nous compilons ces statistiques », constate avec satisfaction le directeur. Mais il reconnaît que les pannes, qui surviennent de façon presque mathématique quand l’achalandage est à son maximum, font mal à l’image de la STM. « Quand une panne survient à 23 h, elle touche 400 personnes. Quand elle arrive à 16 h, elle en affecte 15 000. Tous les systèmes vont avoir plus tendance à flancher quand ils seront utilisés au maximum. » 

Sans promettre de miracles, et tout en rappelant qu’une période d’adaptation sera nécessaire, il s’attend à ce que les 468 nouvelles voitures de métro aient un effet positif sur le bilan de pannes de la STM. D’abord par leur fiabilité, mais également parce qu’on a peaufiné les détails pour minimiser la durée des incidents. « Un exemple : elles seront équipées de trois portes au lieu de quatre, dit M. Lemay. C’est 25 % de moins de pannes dues à des problèmes de fermeture de portes. Quand un usager va tirer un frein de secours, l’opérateur pourra le voir sur caméra et lui parler, puis réamorcer le système de son habitacle. »

— Avec la collaboration de Serge Laplante et de Sylvain Gilbert

2012, ANNUS HORRIBILIS

Dur à contredire : l’année 2012 a été particulièrement difficile pour la STM, avec 1029 incidents. La moyenne avait été de 884 de 2008 à 2010. Les problèmes ont en fait commencé dès l’automne 2011 avec l’implantation des nouveaux systèmes informatiques. « On a passé une période de transition, indique Dominique Lemay, directeur exécutif à la STM. On avait deux centres de contrôle au lieu d’un, ce qui fait qu’un incident pouvait durer huit minutes au lieu de quatre. » Le « printemps érable » a causé une trentaine d’arrêts de service à lui seul – des objets lancés sur la voie jusqu’aux bombes fumigènes. Enfin, détail peu connu, le dynamitage pour le chantier du CHUM en mars 2012 a forcé l’arrêt du service une soixantaine de fois.

RÉVEIL DIFFICILE

Les incidents durent en moyenne 12 minutes, peu importe l’heure du jour. À l’exception de deux moments délicats, semble-t-il : à 3 h et 5 h. On connaît bien ce phénomène à la STM. « C’est habituellement un problème électrique, explique Dominique Lemay. C’est le même principe qu’une ampoule : c’est quand vous la rallumez que, de temps en temps, vous constatez qu’elle ne fonctionne plus. » L’alimentation en électricité des voies est fermée la nuit, précise-t-il. Les problèmes électriques, qui demandent des interventions sécuritaires, sont habituellement plus longs à régler.

HEURE DE POINTE… ET DE PANNES

C’est quand l’affluence est à son sommet et que les rames de métro sont toutes en activité, à partir de 16 h chaque jour, qu’on note le plus d’incidents. C’est évidemment à ce moment-là que les pannes ont l’effet le plus ravageur sur l’image de la STM. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène, à commencer par l’affluence – un incident sur deux est causé par la clientèle. « À 16 h, c’est la sortie des classes. Ils vont sortir tous ensemble et ça peut causer plus de problèmes dans certaines stations », note également M. Lemay. Les pannes vont évidemment survenir plus fréquemment quand toutes les voitures sont en activité, ce qui est le cas aux heures de pointe.

LA SAISON DES INCIDENTS

Ce serait en mars, juin et octobre que les incidents seraient les plus nombreux. Mais, réparties sur six ans, les différences sont minimes et « ne sont pas très parlantes », estime le directeur de la STM. Il a pourtant quelques explications intéressantes. En mars, « on a un problème récurrent : il y a plus de roche, de gravier qui va entrer dans le métro et bloquer les portes ». Les 60 dynamitages du chantier du CHUM suffisent à eux seuls à expliquer la tendance à la hausse. En juin, « c’est l’humidité : les tunnels sont froids et il y a de la condensation ». Octobre est le mois d’affluence par excellence, « c’est extrêmement intense, avec 900 000 déplacements par jour », affirme M. Lemay.

LES VÉHICULES PAS EN CAUSE

Le parc des voitures du métro de Montréal a beau être le plus vieux du monde après celui de Buenos Aires, ce ne sont pas ses véhicules et son équipement qui causent les pannes. Un arrêt sur trois est dû à un « méfait volontaire », par exemple un blocage de portes. Au total, les usagers sont responsables de 49,8 % des arrêts, le matériel roulant, de 25 % et les « équipements fixes », comme le système informatique, de seulement 7 %. Selon ses propres statistiques, la STM évalue la performance de ses équipements fixes à 0,7 panne par million de kilomètres, « ce qui nous met dans les grandes ligues », dit M. Lemay.

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